ΚΥΠΡΟΣ
Date 8/10/2014 15:22:13 | Topic: CHYPRE
| Cléopâtre Robinet, un nouveau recueil de poèmes. Par Charalambos Petinos, historien / écrivain
« Ode au sous-officier Disparu Kypros Ioannou qui est tombé en combattant héroïquement contre l’invasion Turque à Trahonas (Nicosie) le 22 07 1974. »
Cléopâtre Robinet revient avec un nouveau recueil de poèmes. La prolifique poétesse chypriote vient de publier à Nicosie son nouveau recueil comportant notamment le poème « Ode au sous-officier Disparu Kypros Ioannou qui est tombé en combattant héroïquement contre l’invasion Turque à Trahonas (Nicosie) le 22 07 1974 ». Je me réjouis de la possibilité qui m’a été offerte d’avoir ce recueil entre les mains dès sa parution et du privilège de le parcourir, ou plutôt de plonger dedans. J’aurais tendance à dire que nous ne pouvions pas attendre moins de la part de Cléopâtre : une langue, aux intonations épiques par moment, qui ciselle l’histoire et façonne l’instant et l’instantané et qui fait se rejoindre l’histoire d’une personne et l’histoire éternelle de la lutte contre l’injustice et la barbarie. Le style est plus mature et le vers travaillé. Ses descriptions font revivre et amènent devant nos yeux les visages marqués et expressifs des personnages contemporains aux événements de 1974. Mais cela va bien au-delà de ces images et expressions : sous la plume de Cléopâtre, les personnages et les événements historiques prennent une autre dimension et deviennent à leur tour les guides et les phares de la pensée et de l’âme grecque. A travers la plume de Cléopâtre, l’histoire immédiate, l’histoire avec un grand H et la mythologie se nouent, s’entremêlent et constituent le socle de la vie, avec un foisonnement de sentiments sous-jacents et immédiats qui vous submergent et vous emportent. Enfin, le symbolisme dans ce poème s’appuie également, avec bonheur, sur la nature afin de transcender les sentiments. La description des paysages et du mouvement participent à l’élévation des idées et soulignent la force qui est dégagée de ce poème, à la fois hommage, épitaphe et glorification. La poétesse est imprégnée de culture grecque dont elle est fière et elle laisse cette culture, qui lui est devenue une seconde peau, la guider dans son œuvre.
Mais laissons le poème (extraits) s’envoler…
I Là-bas dans la plaine nue près des banlieues nord de Nicosie là-bas où jadis paissaient des moutons de Kaimakli, de Trahonas d’ Omorfita là-bas où les bergers te regardaient avec ce regard qui ressemblait à un regard de mouton Là-bas où les nuits tu pensais que les étoiles accrochés au firmament allaient tomber dans le creux de ta main, Là-bas où les gens soignaient leurs plaies avec de l’encens où les vieilles se signaient avant de descendre dans les puits où elles te regardaient en souriant malgré toute la fatigue du jour … Là-bas où les portes ne se fermaient jamais et l’air entrait en bourdonnant dans les maisons Là-bas où le monde resplendissait comme le pain dans le four où au bout de chaque chemin tu trouvais la présence de Dieu, Là-bas les jasmins sur les terrasses, adressaient leurs prières au Soleil. Là-bas où jadis habitaient les âmes des astres le jeune homme est tombé lorsque s’éteignait le Soleil.
II Dans la petite vallée de bergers les femmes de Trahonas sans soupçons accrochées au métier à tisser ascètes du drap et de l’aiguille exercées au travail des champs l’été à coté des hommes Hèlènes du Devoir gravaient l’amour dans la pierre des manoirs avec les balcons et le jasmin dans les pots ramassaient chaque jour les sourires de la lune dans des coupes d’argent… Il était là l’éternel brave avec Onissilos sans les Amathousiens Ulysse en colère affrontant le Devoir avec son bateau des anciens temps ! Il était là fier avec les âmes des Vierges gémissant quand elles ramassaient les corps de jeunes imberbes dans la terre enracinés pour les enterrer Antigones cherchant un coin où fonder une patrie.
V (…) Sur la colline de Trahonas où ton corps est tombé la racine montait comme de la fumé assombrissant cet été là feu orphelin essaim la mémoire qui bourdonne crane d’Onissilos avec les empreintes digitales d’Apollon le regard acéré de Zeus sur toi et toi qui joues les Thucydide au milieu des épines. La Mémoire épée d’or fait de Trahonas des Thermopyles!
Sur le chemin de Céramikos vers le cimetière l’avant-poste maquisard avec l’unique fantassin qui monte la garde. Jadis ici passait la rivière sur le chemin de Pentadaktyle. Dans la vaste plaine entre le cimetière et le Pentadaktyle ensanglanté ton corps a coulé dans l’inéluctable Histoire.
VI Tu as laissé ta mère dépourvue sur l’autre berge souffrant mille morts payant un lourd tribut la gorge sous le couteau.
Elle, mi-déesse mi-femme Gorgone sur la haute mer cherchait son Alexandre pendant des décennies, sans que son âme ne se repose bravant le temps alors que la douleur sans se douter de rien comptait le temps à l’envers.
Mèche empoisonnée la mémoire elle attendait les bras ouverts mais la rivière était un profond ravin qui creusait son visage pendant qu’elle s’efforçait d’amener le temps en arrière. (…)
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