Pour le 30ème anniversaire du décès de Père Cyrille.
Cet article est paru dans le de la revue Acropolis.
Novembre - Décembre 2014
Numéro 144
20ème anniversaire du décès de Père Cyrille
Cette photo a été prise par Yannis de la revue Acropolis; elle a été utilisée lors de ses funérailles et posée sur son tombeau à La Bouilladisse.
Le Père Cyrille Argenti est décédé le lundi 21 novembre 1994 à l’hôpital de Clamart en région parisienne. Trois semaines avant son décès, il avait adressé un message à la revue Acropolis.
En voici le contenu :
Message du père Cyrille
du 29 octobre 1994, à l'hôpital Antoine Béclère à Clamart
« Grâce à Dieu et à vos prières, qui ont été exaucées, je suis encore parmi vous.
A un moment particulièrement critique, je m'étais fait lire le récit de la Résurrection de Lazare et la parole du Christ à Marthe : "Celui qui croit en moi ne mourra jamais".
Ce fut donc l'occasion d'accepter, s'il le voulait, de le rencontrer. Je me suis rendu compte que cette rencontre constitue l'événement essentiel de l'existence humaine.
Tout le reste n'est que vanité, mais le Christ est vraiment ressuscité ».
Parler du regretté Père Cyrille demanderait des pages et encore des pages. Nous préférons vous communiquer les messages lui étant adressés, juste après son décès, de quelques personnes l’ayant bien connu.
Edmonde Charles-Roux-Defferre " Cyrille Argenti était un ami d'enfance. Nous faisions partie d'un petit groupe qui se retrouvait chaque année au moment des grandes vacances. Les seuls amis marseillais que nous avions était les familles Argenti et Zafiropoulos.
C'est une perte très cruelle pour la ville, pour les Orthodoxes, pour les Marseillais tout court ! Parce que c'était un apôtre, un saint, quelqu'un de complètement désintéressé et ne travaillant jamais pour lui mais toujours pour les autres : c'est, je crois, une des choses les plus rares qui soient!".
Père Joachim " le Père Cyrille a voué sa vie à l'œcuménisme correspondant à la vocation de l'église orthodoxe. Pour le Père Cyrille, pour tout prêtre orthodoxe et normalement pour tout fidèle conscient, l'œcuménisme est le cœur même de la foi en Jésus-Christ. Il n'y a pas de christianisme sans universalité et sans ouverture aux autres et, en premier lieu, aux chrétiens qui sont actuellement divisés.
Le Père Cyrille a dédié toute sa vie au service des plus pauvres comme des plus riches qui avaient des problèmes. J'étais encore tout jeune mais, quand il y avait dans le centre ville 700 familles orthodoxes qui habitaient dans le quartier de la place d'Aix, je dirais que le Père Cyrille a porté tous ces gens à bout de bras sur ses épaules. Cette nuit, je pensais au Père Cyrille et je voyais l'image du Christ portant sa croix.
Vers la fin de sa vie, il était courbé, et je me demandais pourquoi il était courbé ainsi. En fait, le poids était lourd. Pendant quarante ans, il a porté cette communauté : il nous a permis de nous épanouir, de manger, de nous éduquer, de nous ouvrir au monde, à la foi en Jésus-Christ, à l'évangile, à la bible. Faire le bilan de ce qu'a fait Père Cyrille est presque impossible. Il est difficile d'imaginer l'orthodoxie sans lui à Marseille mais ses œuvres continueront. Il sera toujours présent".
Dimitrios Acartzou " il était mon grand ami, sa disparition ne veut pas dire que tout est perdu. Pendant 44 ans, il a créé. A nous de continuer son œuvre ! Soyons tous avec nos prêtres, c'est le plus beau cadeau que nous pouvons lui offrir. Ainsi, le souvenir du Père Cyrille sera toujours avec nous".
Angèle Roubin (une de ses proches) "il est bien évident que nous perdons le pilier de notre église St Irénée dont il est le fondateur, notre père spirituel qui était pour l'unité des chrétiens. Le Père Cyrille a œuvré pour l'orthodoxie à Marseille et dans toute la France par l'intermédiaire de la francophonie. Il sera toujours parmi nous".
Yannis Stavrinou " il était une des personnalités de Marseille et pour nous, les Grecs, la plus grande. J'ai beaucoup de souvenirs de père Cyrille, mais, ce dont je me souviens le plus, c'est quand un soir d'hiver, sous le vent et la pluie, grippé, il m'a rejoint à Radio-Dialogue pour faire l'émission avec moi. Je lui ai dit : " Père Cyrille, si vous étiez malade, vous n'auriez pas dû venir". Il a répondu : "Yannis, c'est ma Mission !". Au cours des émissions faites avec moi, il parlait 5 minutes en français et 5 minutes en grec en respectant scrupuleusement la traduction C'était pour moi exceptionnel et je lui disais: " Ce n'est pas Père Cyrille qui parle mais l'esprit de Dieu! ".
Une pensée pour le Père Cyrille
Texte : Michel MICAILIDIS
Qui était le Père Cyrille ?
Né en 1918 à Marseille, d'origine grecque, de son vrai nom LEONIDAS ARGENTI. Etudiant à Aix-en-Provence et à Oxford, il étudie la théologie à Athènes, devient moine et prêtre à Marseille pendant plus de 40 ans. Lors des obsèques de Père Cyrille,
devant l'église Saint Irénée
Hommage au Père Cyrille
1943, il contribue à sauver 2 personnes juives et reçu le 1er mars 1990, la plus haute distinction civile de l’état d’Israël " le titre des justes des nations " ; Son nom figure sur la stèle du jardin du Millénaire, avenue Cantini.
Fin 1943, il rejoint la résistance. Il effectua un stage à l’école des cadres (des maquisards). A la fin de ce stage, il sera nommé " inspecteur des maquis " sous le nom de " François " puis de " Christian ". Il rejoint le maquis du " LEVERQ ". Son rôle était la coordination de chaque maquis pour approvisionnement de matériel et de nourritures ( grâce à la bonté de paysans et fermiers ). Une à deux fois par semaine, des équipes de deux, portant des charges de 20 à 25 kg, parcourent 10 à 20 km à pied.
19 mars 1944, arrestation à Digne. Le groupe du " maquis de Laragne " était en mission pour trouver un nouvel emplacement de camp. François avait suggéré de ne pas prendre le train à la gare de Digne car c’était le siège de la Gestapo. Mais, les 3 jeunes qui l’accompagnaient, fatigués, insistèrent pour partir de Digne. Après hésitation, ils partirent de cette gare et furent arrêtés. François, en possession de documents compromettants, demanda d’aller au guichet afin de se faire rembourser et en profita pour se " débarrasser " de ces documents.
Ils furent tous emmenés et enfermés dans une cave d’un hôtel dignois.
Lors d’un 1er interrogatoire, on lui demanda de vider ses poches. Sûr de lui, il jeta tout sur la table. Malheureusement, il avait oublié une lettre concernant l’approvisionnement d’un camp.
L’interprète ayant lu ce courrier, on en déduit que François était agent de liaison. A partir de là , l’interrogatoire sur deux jours, en présence de la Gestapo, devint " musclé ". A chaque refus, il reçut des coups de nerf de bœuf. Sans nourriture, sur une chaise, menottes aux mains, il s’évanouit à plusieurs reprises.
Le 23 mars, un capitaine de la Gendarmerie demanda une confrontation avec l’un de ses agents. Malgré la résistance de la Gestapo, il fut emmené à la Gendarmerie.
Après quelques minutes de "simulation " de discussion à voix très élevée (un interprète étant présent dans le bureau d’à côté), le capitaine qui avait l’intention de l’aider à s’enfuir, avait ouvert les fenêtres du bureau. Il lui tendit un revolver et lui demanda à voix basse de lui tirer sur le bras gauche afin de tomber derrière la porte, bloquant ainsi l’issue. Retardant de cette manière l’arrivée des Allemands, François s’enfuit par la fenêtre. Très affaibli par ces interrogatoires, il demanda de l’aide dans une maison à la lisière d’une colline. C’est ainsi qu’il put rejoindre le maquis.
Soigné de ses blessures, le Capitaine rejoint la résistance. Il fut arrêté à Digne et fusillé.
En 1950, François, fut ordonné prêtre sous le nom de Père Cyrille à Marseille en la paroisse de la Dormition de la Mère de Dieu, rue de la Grande Armée.
Meurtri par tant de souffrances, il décida de venir en aide aux jeunes, aux personnes âgées, aux plus défavorisés. Il créa ainsi :
- un mouvement scout : la Jeunesse Orthodoxe du Midi (JOM) qui permit à de nombreux enfants de découvrir l’entraide, par des camps dans la région.
- une maison de retraite : ainsi qu’une chapelle à la Bouilladisse pour accueillir nos « anciens »
- Le 21 novembre 1994, il rejoint la maison de Dieu. Il fut inhumé devant sa chapelle de la Maison de retraite de la Bouilladisse.