Livre d’Olivier Corbobesse, "L’histoire racontée par le football"
L’histoire racontée par le football
Par Charalambos Petinos, historien
Je viens de terminer la lecture d’un livre particulier, agréable à lire, ludique et instructif. Il s’agit du livre d’Olivier Corbobesse, L’histoire racontée par le football, paru à la mi-septembre de cette année, aux Éditions Marie B.
Olivier Corbobesse transforme le football en culture et en histoire ; Histoire avec un grand H, car le sujet de son quatrième ouvrage en relatif au football est une étude historique originale, qui fait référence.
En effet, Olivier Corbobesse revisite l’histoire mondiale de 6000 ans à travers le football.
Souvent on regarde les noms et les écussons des clubs de foot sans chercher à aller plus loin. Cependant, ces slogans et ces images racontent toujours des faits historiques ou imaginés, réels ou fabriqués par la mythologie d’un groupe, d’une région ou d’un État…
Olivier Corbobesse prend le foot comme prétexte pour raconter toute cette histoire. Cependant, il ne s’agit pas que d’une clé pour ouvrir au lecteur la connaissance ; l’auteur est un vrai amateur de football et un vrai amateur d’histoire et la combinaison des deux dans ce livre est heureuse et constructive.
J’ai eu énormément de plaisir à lire son livre Culture générale, football club, paru chez Chistera en 2018. Et comme je disais il y a deux ans, bien qu’ayant abandonné le monde du football depuis quelques années, à cause de son extrême financiarisation, à cause du foot-spectacle et de l’instrumentalisation qui en est faite, j’ai été intrigué par l’approche de Corbobesse de ce monde si particulier. Son nouvel ouvrage, plus complet et riche est encore plus intéressant et utile à la compréhension de notre société, de notre histoire, bref, de notre monde.
L’auteur nous fait voyager à travers l’histoire mondiale, en nous l’expliquant sous le prisme du football, l’économie, la science, la géographie, la politique, la géopolitique, la religion, la littérature, les arts... Cet ouvrage traite de l’histoire de la Mésopotamie, de l’Égypte ancienne, de Rome, de la Grèce antique, de Byzance, de l’Empire ottoman, de l’histoire moderne et contemporaine ; une foison de présentations et d’analyses. Il s’agit d’un travail extraordinaire de fourmi, qui a donné un résultat agréable à lire et instructif, bref, une vision alternative de ce sport devenu religion.
Les références historiques, la politique et les grands conflits qui émaillent notre réalité sont foison dans les noms, les symboles et la mythologie autour des clubs de football. Olivier Corbobesse excelle dans l’art de raconter cette histoire par l’intermédiaire du football.
Les conflits actuels et les querelles diplomatiques qui en résultent, tiennent aussi une place importante. Le conflit entre Chypre et la Turquie, le conflit israélo-palestinien, la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, la chute de l’Empire ottoman, la chute de l’ancienne Yougoslavie, la chute de l’Union soviétique et du Pacte de Varsovie, etc. Olivier Corbobesse aborde et analyse tous les sujets, sans partie pris, et de manière parfaitement claire, ludique et compréhensible. In fine, un regard lucide sur l’histoire et sur le monde qui nous entoure, à travers le football.
Concernant la situation à Chypre, l’auteur rappelle l’indépendance du pays et poursuit à propos de la situation créée en 1974 : « Prenant pour prétexte le coup d’État fomenté par la dictature grecque en 1974, la Turquie envahit le nord de Chypre qu’elle occupe depuis. Elle chasse alors les Chypriotes grecs vers le sud, oblige les Chypriotes turcs à prendre le chemin inverse et fait progressivement installer des milliers de ses ressortissants dans la partie nord. Parmi les réfugiés se trouvent de nombreux dirigeants, joueurs et supporteurs de clubs de football. Par résilience sportive et identitaire, ils redonnent vie à ces entités de l’autre côté de la Ligne verte surveillée par l’ONU qui sépare l’île en deux. Le plus connu est certainement l’Anorthosis Famagouste, réinstallé à Larnaca, dans la partie sud. »
En outre, la catastrophe de l’Asie mineure fait-elle partie des références d’Olivier Corbobesse qui la décrit en ces termes : « (…) La période est bien douloureuse du côté des vaincus. Environ 1,3 millions de Grecs orthodoxes de Turquie se retrouvent contraints de rejoindre la Grèce, dans le cadre d’un gigantesque échange de populations (qui concerne également en sens inverse, 385 000 musulmans de Grèce). De nombreux clubs hellènes affichent encore l’héritage et le traumatisme. Ce sont des réfugiés grecs de Constantiniple qui fondèrent l’AEK à Athènes en 1924 et le PAOK à Thessalonique en 1926. La lettre « K » dans le nom de ces clubs s’avère riche de sens. AEK signifie Athlitiki Enosis Konstantinoupoleos, soit l’ « Union sportive de Constantinople ». PAOK désigne le Panthessalonikios Athlitikos Omilos Konstantinoupoliton, c’est-à-dire l’Association sportive thessalonicienne des Constantinopolitains. (…) Le PAOK Salonique joue en noir, signe du deuil des événements de 1922, et blanc, couleur de l’espoir. »
Enfin, ce livre intéressera autant les amateurs de foot que les férus d’histoire. Il se termine sur 365 devinettes – une par jour – portant sur les faits marquants de l’histoire et du football.
Référence : Olivier Corbobesse, L’histoire racontée par le football, Éditions Marie B, Paris, 2020.